C'est pas humain ...
« Il faut y croire pour y donner vie » • Confucius | |
Ouais, pas que j’sois un grand sensible ou que j’aie jamais vu de film d’horreur. Bon dans un sens se serait mentir que de raconter avoir déjà vu des films d’horreur. Ouais ben c’est pas mon style, on va quand même pas en faire un fromage ! Bref, tout ça pour dire, que non, je n’aurais jamais pensé faire face à un semi-visage ne serait-ce qu’une demi fois dans ma vie. En fait, c’est le genre de chose que vous ressentez au plus profond. Tu sais, cette fraction de seconde où tu réalises que putain, t’es entré dans l’un de ces films où la fille marche à quatre pattes, les coudes et les genoux pliés dans le mauvais sens.
C’est exactement ça. Cette sensation horrifiante de ce moment où tu te rends compte que cette fois ça y est, tu vas crever là parce que t’as jamais eu le courage des héros à la télé. Parce que non, ce n’est pas moi qui aurais le réflexe d’arracher un tuyau du mur pour faire face à la créature monstrueuse qui me regarde en se léchant les babines. Non, ce n’est pas moi qui soudainement me rappellerais avoir fait quinze années de sport de combat et être en mesure de terrasser le monstre satanique avant qu’il ne fasse du mal à quiconque. Et pire que ça, je serais capable de sacrifier femme et enfant pour survivre …
Mais contrairement à ces films d’horreur où le pauv’ gosse sans courage meurt en premier pour que le héros ait de quoi se lamenter, et surtout une raison de haïr les méchants assez fort pour les combattre jusqu’à la fin du long-métrage, le gars en face de moi qui devrait faire office d’être sanguinaire pose sa main sur un masque qu’il pose paisiblement sur son visage. Ses gestes sont lents, réfléchis, comme s’il essayait de ne pas effrayer le chien perdu que je représente probablement aujourd’hui. Je le fixe toujours, de mes yeux écarquillés et paniqués, alors que lui semble d’un calme olympien, presque résigné.
- Il n'y a pas de mal, c'est sûr que ce n'est pas courant ce genre de... spectacle. Désolé du désagrément, laissez moi don vous payer un verre, je vous attend au bar.Je reste abasourdi. Non seulement il n’essaie ni de me tuer, ni de me bouffer les entrailles, mais en plus il s’excuse pour le … spectacle ? Et pour couronner le tout, voilà que le type propose carrément de m’offrir un verre. Je fixe son dos alors qu’il quitte déjà les lieux, et je me demande si je serais sain d’esprit en acceptant son invitation. Tout être humain normal et d’autant plus un étudiant mineur sans aucune famille, aurait simplement fuit les lieux le plus vite possible. Mais, à contrario de ces-dits humains normaux, je prends quelques secondes pour me remettre et je rejoins finalement l’homme au bar.
J’ai encore du mal à effacer l’image de mon esprit et malheureusement, le fait d’apercevoir son masque en me dirigeant vers lui ne m’aide pas davantage. Au contraire je parviens presque à retracer les traits de chair malgré le tissu qui les renferme. J’inspire un grand coup avant d’arriver complètement à côté de lui, et je détourne le regard d’un air gêné. Est-ce que je devrais consulter un psy’ pour le restant de mes jours à cause d’un traumatisme psychologique qu’aura déclenché cette vision d’horreur ? Est-ce que le type veut me faire oublier ça en me noyant d’alcool sans même savoir mon âge ? J’expire difficilement.
- Je suis désolé, je ne voulais pas paraître impoli …C’est que vraiment monsieur, vous avez une sale gueule. Mais dans le genre puissance mille, ‘voyez ? Le genre que vous avez carrément raison de cacher, et que vous devriez faire réparer mais qu’aucun chirurgien aussi compétent soit-il ne pourrait réellement remettre en état. Pauvre type, j’en viens à éprouver de la pitié malgré l’horreur qu’il m’a fait ressentir au moment de croiser son regard. Ou ce qu’il en restait en tout cas …